Abram Boksenbaum est né le 20 juillet 1922, en Pologne. Avec ses parents : Lipa et Estera Boksenbaum, il quitte son pays natal en 1925 pour la France. La famille s'installe alors dans un premier temps à Valenciennes, puis, un an plus tard, les Boksenbaum déménagent à nouveau pour la région parisienne.
Abram, enfant unique, a passé son enfance puis son adolescence dans la capitale, très entouré par ses parents. Lorsque la guerre éclate, le jeune homme n'est âgé que de dix-sept ans. Le statut de Juif étranger est le premier visé par les restrictions du gouvernement de Vichy et c'est la raison pour laquelle Abram et son père, n'ayant plus de travail et donc de ressources, s'engagent sur un chantier dans l'Oise. De nombreux lieux comme ce dernier sont créés à ce moment-là. Ils sont mis en place pour aider les Occupants dans leurs divers projets de construction.
Malgré tout, quelques mois plus tard, les autorités décident de regrouper les travailleurs juifs dans quelques-uns de ces chantiers de sorte à faciliter les contrôles. C'est ainsi qu'en juin 1942, Abram et Lipa sont transférés au chantier 1607 de Beauregard, près de la ville de Clefs, dans le Maine-et-Loire.
Au départ, ils ne sont qu'une une quarantaine d'ouvriers, logés dans des baraquements en bois et travaillant pour la Compagnie des Mines de Lens. Au fil des mois, avec de nouveaux arrivants, on comptera finalement une soixantaine de ces Juifs étrangers vers la fin 1943.
Lipa, le père d'Abram, épuisé par le travail très physique du chantier, demande, en juillet 1942, une permission pour rentrer quelques temps auprès de sa femme, à Paris. Sa requête est acceptée mais deux jours après son retour à la capitale, le 16 juillet 1942, le couple est arrêté lors de la rafle du Vel' d'Hiv'. Lipa et Estera Boksenbaum seront déportés à Auschwitz le 24 juillet 1942, le jour des vingt ans de leur fils et n'en reviendront pas.
Abram, lui, reste au chantier de Clefs, qui d'après son témoignage, s'avérait être un "havre paisible", contrairement à ce que commençaient à vivre la plupart des Juifs de France. Les travailleurs de ce chantier sont relativement libres de leurs mouvements, n'ont pas à porter l'étoile jaune, et Abram peut même s'adonner à sa passion : la photographie, qu'il pratique avec l'appareil de l'un de ses camarades, Zelman Ozik. Beaucoup des clichés de cette période passée à Clefs nous sont d'ailleurs miraculeusement parvenus.
Pourtant, le 23 novembre 1943 à l'aube, le chantier est encerclé par les SS. Tous les Juifs présents sont arrêtés et Abram a tout juste le temps de confier à l'un de ses compagnons, Mayeux (qui n'était pas Juif), une valise contenant ses effets personnels et quelques photos prises au cours des derniers mois.
Ils sont ensuite conduits à la gare d'Angers d'où ils sont expédiés à Paris. Le 24 novembre, ils arrivent finalement au camp d'internement de Drancy et un matricule est attribué à chacun. Pour Abram, ce sera le numéro 8811.
Le jeune homme passe quelque temps à Drancy avec ses camarades de Clefs avant d'être emmené à Auschwitz à bord du convoi n°64. À l'arrivée aux camps de l'Est, il est sélectionné pour travailler et on lui tatoue le numéro 167471 sur le bras gauche. Abram se voit alors assigné au kommando 178 des Uhrmachers (kommando assez protégé car il s'organisait en intérieur : les prisonniers étaient donc plus au chaud, que ceux travaillant en extérieur par ce temps d'hiver) et dort dans le block 30.
Après de longs mois de souffrance au cours desquels il voit périr de nombreux camarades, l'arrivée des Forces Alliées qui n'était plus qu'une question de temps allait enfin le délivrer. Mais le 18 janvier 1945 en fin d'après-midi, Abram et les autres survivants de Buna Monowitz (camp de travail d'Auschwitz), poussés par les SS, quittent leurs baraquements pour se lancer dans une Marche de la Mort. Comme son nom l'indique, de nombreux prisonniers sont tombés au cours de celle-ci : certains à cause du froid, d'autres à cause de la fatigue et de la maladie.
Quelques jours plus tard, le 23 janvier, les SS tentent de liquider tous les survivants par balles. C'est à ce moment qu'Abram et quelques uns de ses compagnons décident de s'enfuir. Ils parviendront ainsi à rester en vie. Ils seront ensuite rapatriés en France via Marseille à la fin d'avril 1945.
En 1946, Abram retourne à Clefs pour tenter de retrouver la valise qu'il y avait laissée. Son camarade l'avait confiée à une fermière des environs. On imagine l'émotion du jeune homme quand il la récupéra
Quelque temps plus tard, Abram rencontre Sylvette qu'il épousera et avec qui il passera le restant de ses jours. La jeune femme avait donné naissance à une fille, Catherine, lors d'un premier mariage. Abram adopte l'enfant et le couple aura une seconde fille, quelques années plus tard, qu'ils appelleront Carole.
Le 2 août 1947, Abram obtient la naturalisation française et on lui propose alors de "franciser" son nom. Il accepte et devient Albert Bosenbaume.
Albert décède le 3 mars 2015 à l'âge de 92 ans.
Merci à Carole Macré pour les précieux documents et le beau témoignage qu'elle a pu me fournir.